Théâtre, comics et élucubrations diverses : Le Blog de Jérémy Manesse. (Toute rime est purement fortuite)
21 Mars 2015
Oui, alors ça peut sembler un titre bizarre venant de moi, et je vous rassure tout de suite : Non, je n'ai pas consacré les quelques semaines depuis mon dernier article à changer de sexe et à tomber enceinte. J'ai passé ces semaines à rester à flot sur mes traductions, à gérer tout un tas de soucis financiers et familiaux super sympa, et à poursuivre la grande aventure que c'est d'être doublement papa. Et à apprendre à écrire des phrases juste au bord de pas être françaises, aussi, parce que c'est bien de se mettre en danger.
Ce dont je veux parler aujourd'hui, ça fait depuis la naissance de Loki que je veux l'évoquer. Parmi les nombreux thèmes qui seront abordés dans ma prochaine pièce (MAMANS, pour ceux qui l'ignorent, accouchement fin septembre), il y a le souci de la surmédicalisation des accouchements aujourd'hui (en tout cas à Paris), du "travail à la chaîne" et de ce foutu principe de précaution qui nous enquiquine bien souvent. Enfin, qui enquiquine nos femmes, parce qu'il faut bien le dire, au moment de l'accouchement, à part servir de tabouret, de brumisateur, de DJ ou de truc à mordre, et à part penser très fort "pardon ma chérie", on ne sert pas à grand-chose.
Il se trouve qu'une autre façon d'accoucher est possible, et c'est un message que j'aimerais faire passer largement chez les femmes qui se posent peut-être la question, mais qui ne savent pas où chercher... ou tout simplement chez les femmes qui ne savent même pas qu'elles ont le droit de se poser la question.
La naissance de Merlin, en 2010, s'est faite aux Diaconesses, une des maternités les plus prisées à Paris. L'une des applications pratiques de ce fameux principe de précaution est de programmer un déclenchement pour J+2 (deux jours après la date de terme prévue), alors que ce terme n'est même pas atteint. C'est anxiogène, c'est beaucoup plus tôt que ce que préconise l'OMS pour un accouchement "normal" (sans complications à craindre), et ça a au final convaincu ma chérie de tenter l'acupuncture, pour être sûre de ne pas être déclenchée. On n'a compris que plus tard que l'acupuncture était en soi une forme de déclenchement, et l'accouchement s'est fait alors que le bébé n'était pas prêt, en même temps que treize autres accouchements, alors que la maternité n'en traite en général que trois ou quatre par nuit.
Ma chérie a accouché dans un genre de remise, avec des nanas qui faisaient leur travail dans le couloir, des gens qui venaient sans arrêt chercher des trucs, et une jeune sage-femme un peu débordée qui a foiré cinq fois la pose de sa perf. Une ambiance de guerre, un bébé sorti au forceps, avec le cordon autour du cou, qui s'est retrouvé dans une couveuse où il a cuit un peu parce que quelqu'un avait oublié de remettre de l'eau pour humidifier l'air. Bonjour la maternité de rêve.
Ça n'est la faute de personne, à vrai dire, sinon du système, qui fait fermer les maternités les unes après les autres et qui pousse celles qui restent à accepter de plus en plus de monde, à faire du chiffre, et du coup à orienter les gens vers un "standard" d'accouchement. Alors que chaque femme devrait avoir le droit de vivre l'accouchement qu'elle veut vivre. Et pas forcément à domicile.
Pour Loki, on est partis vers une autre maternité, parce que même en sachant que ça s'était passé dans des conditions extrêmes aux Diaconesses, on n'avait pas vraiment envie d'y retourner. Nous voici à Notre-Dame du Bon Secours, maternité très classe, très vaste, rassurante... Mais au fur et à mesure des visites, quelques détails hérissent de nouveau ma chérie. Jamais le même interlocuteur, des rendez-vous pris qui disparaissent des plannings, et surtout une espèce de lubie collective de pousser Odile à passer le test du diabète gestationnel.
C'est rigolo, le test du diabète gestationnel. Ça date d'il y a quelques années, et ça consiste à avaler à jeun un truc infâme, plusieurs fois, à quelques heures d'écart et avec une prise de sang à chaque fois, pour voir si on a du diabète. Le "seuil de danger" a été abaissé entre les deux grossesses de ma chérie, c'est extrêmement désagréable et tout le monde fait beaucoup d'effort pour t'expliquer que c'est très, très important, et que c'est un peu irresponsable de ta part si tu ne le fais pas. Ne pas échouer au test ne signifie PAS que tu n'as pas de diabète, et si on t'en découvre un... eh bien, il n'y a pas grand-chose à faire, à part faire gaffe à ce que tu bouffes. Comme d'hab, donc. Mais il FAUT le faire.
La cinquième fois que les médecins ont fait culpabiliser Odile parce qu'elle n'avait toujours pas fait le test (en connaissance de cause : elle grossissait moins que pour Merlin, où le test avait été négatif, et elle avait utilisé le test dextro de ma mère, diabétique "normale", qui lui avait confirmé qu'il n'y avait rien à craindre), elle a commencé à s'agacer. C'était à une écho, où on nous disait que la taille d'un des reins était... pas du tout anormale, hein, mais il était un peu plus gros que la moyenne... complètement dans les normes, hein, mais quand même... il vaudrait mieux être sûrs.
Ma chérie voyait donc gros comme une maison se profiler le même accouchement pourri que la première fois, les menaces de déclenchement, patati, patata. Mais on était un peu coincés, parce que... que faire d'autre ? Aller dans une autre maternité où il se passerait la même chose ?
Et puis on a rencontré notre bonne camarade Noémie De Lattre, à qui on doit au moins un bon resto et que vous pourrez bientôt entendre de nouveau sur France Inter à 11h20 les jeudis matins, qui nous a aiguillés vers le Groupe Naissances, alors même qu'Odile approchait de son huitième mois.
Le Groupe Naissances est formé de quelques professionnels de l'accouchement, qui ne se satisfont pas de ce qui est proposé aux femmes qui accouchent aujourd'hui, et qui proposent un véritable accompagnement personnalisé, avec la même sage-femme du début à la fin de la grossesse, dans un cadre où toutes les options médicales sont à portée, mais ne sont dégainées que quand on en a vraiment besoin. Oui, ça veut donc dire que la sage-femme se rend disponible à toute heure du jour et de la nuit, au moment où vous devez accoucher... même si vous vous retrouvez à l'appeler à trois heures du matin (ce qui a été notre cas, et qui l'est souvent, paraît-il).
Ces femmes et ces hommes sont vraiment à saluer, parce qu'ils ne portent pas de jugement sur la façon dont les accouchements sont accompagnés ailleurs, ils trouvent juste normal de proposer autre chose. Ça les place dans une situation assez périlleuse, parce qu'en cas d'incident, je vois bien toute la profession "normale" les laisser le bec dans l'eau. Et c'est un vrai sacerdoce, puisque la moindre soirée en amoureux peut être interrompue par un accouchement.
Le Groupe Naissances est formé de professionnels de la médecine, ils n'ont donc pas le droit de faire de la pub... c'est pour ça que je la fais à leur place (et qu'on le fera même sans doute un peu dans la pièce). Parce que nous avons pu rencontrer une sage-femme du groupe, malgré le fait que la grossesse d'Odile soit aussi avancée, parce que la rencontre a été super, et parce que l'accouchement s'est déroulé exactement comme ma chérie le souhaitait, la réconciliant avec toute l'expérience. Debout, dans une baignoire, sans péridurale, tout de même. Alors ça demande de savoir ce qu'on veut, mais surtout (dans notre cas) ce qu'on ne veut pas.
Donc si ça vous intéresse, ou si vous connaissez quelqu'un que ça peut intéresser, n'hésitez pas à visiter le Site Officiel du Groupe Naissances. Et encore merci à Nadia, notre sage-femme, grâce à qui nous aurons un beau souvenir d'accouchement pour le reste de nos vies.
Oui, ça n'empêche pas que le bébé sur la photo en haut a une drôle de tête, je vous l'accorde. C'est pas le nôtre.