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ON EN EST LÀ !

Théâtre, comics et élucubrations diverses : Le Blog de Jérémy Manesse. (Toute rime est purement fortuite)

La France Insoumise vue de l'intérieur

La France Insoumise vue de l'intérieur

Un jeune étudiant d'une petite vingtaine d'années se lève et prend la parole, demandant avec hésitation quelque chose comme : "Bon, on veut protéger les entreprises des intérêts spéculatifs en taxant les actions et c'est très bien, mais... euh... est-ce qu'on n'a pas peur que les actionnaires aillent voir ailleurs et que ça affecte l'économie ?". La dame plus âgée à côté de moi se penche vers moi et me chuchote : "Il a peur, le petit."

J'ai commencé un petit paquet d'articles ces derniers mois, que je n'ai jamais eu l'occasion de terminer par manque de temps. Sur la laïcité, sur les primaires du PS, sur la reprise de mon spectacle, sur Orange is the New Black qu'on découvre enfin avec ma chérie... Il y aura peut-être des trucs qui renaîtront de leurs cendres mais aujourd'hui, j'ai envie de rapporter une expérience plus ou moins à chaud (ça s'est passé mercredi) de ma première réunion "France Insoumise".

Alors, pour ceux qui débarquent, la France Insoumise c'est le mouvement dont Jean-Luc Mélenchon est le candidat à la Présidentielle (je choisis bien mes termes en ne disant pas le mouvement "derrière" Mélenchon, vous comprendrez plus bas). Un mouvement auquel je souscris des deux pieds, des deux mains et du bulletin de vote (sauf événement extraordinaire, toujours possible dans une élection qui bat d'ores et déjà 24 Heures Chrono en termes de rebondissements par épisode). Une adhésion que vous ne POUVEZ pas ignorer si vous êtes ami avec moi sur Facebook. Sinon, vous ignorez la chance que vous avez. Mes amis, pour certains, en ont plein le dos, et on a encore deux mois de campagne devant nous. En tout cas, vous avez les prémisses de cet engagement dans mon précédent article, remontant à l'élection de Trump.

Depuis, il s'est passé tout plein de choses puisque tous les duels de second tour que les "spécialistes" de la politique prédisaient (c'est bizarre, ça chatouille quand je dis "spécialistes") sont désormais impossibles. Le triangle Hollande / Sarkozy / Le Pen, c'est mort. Valls / Fillon, c'est mort. Fillon / Le Pen, c'est assez mal barré et je continue d'affirmer que Macron est un ballon de baudruche médiatique dont chaque intervention me fait ricaner et qui va se dégonfler d'autant plus vite qu'il me semble inévitable que Bayrou entre très prochainement dans la course. C'est assez méchant de ma part, j'ai de bons amis et des membres de ma famille qui y croient, à Macron. Mais enfin quand même :

 

Oui, bon, on la connaît par coeur mais ça reste surréaliste, et les autres que j'aime bien (comme celles où il nous engueule - "réveillez-vous" - parce qu'il a pas assez de femmes candidates pour les législatives, avec des pauses dramatiques complètement fabriquées) ne sont visibles que sur sa page Facebook. Globalement, j'ai l'impression de voir un premier de la classe qui découvre qu'il peut crier sans qu'on lui demande de ranger sa chambre. Autant je comprends que des électeurs traditionnellement de centre-droit et de droite puissent être tentés tant le météore Fillon n'en finit pas de se désagréger, autant j'ai encore beaucoup de mal à saisir pourquoi un électeur qui se dit de gauche peut se sentir séduit.

Mais on n'est pas là pour ça. Sauf imprévu, donc, je voterai Mélenchon aux élections. Oui, la victoire de Hamon a pendant quelques jours perturbé ma réflexion. Dans un premier temps j'ai préféré écarter l'idée que ces deux candidatures puissent provoquer leur destruction réciproque parce que je ne suis pas fan du billard à trois bandes et que je suis plutôt content d'avoir deux personnes pour qui je suis susceptible de voter au premier tour. C'était pas gagné il y a encore quelques mois et beaucoup de gens à droite ne peuvent pas en dire autant. Ca prouve en tout cas que les électeurs de gauche ont envie d'une vraie politique de gauche et c'est forcément à saluer.

Et puis les jours passant, je vois à quel point la partition de Hamon est difficile à tenir, comme il sera difficile pour lui de ressouder un PS à bout de forces tout en maintenant le cap à gauche et alors que bon nombre des cadres du parti ne sont, comme on dit, "pas fans" de ses idées. Je vois un programme qui s'est constitué vite fait autour de l'idée-phare du revenu universel (sur laquelle Mélenchon est de son côté très sceptique, contrairement aux idées reçues) et une volonté de rassemblement que je trouve pour l'instant un peu mollasse dans les faits.

En face de ça, on a un programme écrit, travaillé, chiffré, sur lequel beaucoup de gens buchent depuis très longtemps (le début de la démarche remonte au 10 février 2016, comme je l'ai appris mercredi) et dont le premier chapitre est ce fameux changement de république et l'écriture d'une nouvelle constitution qui serait laissée à la charge d'une assemblée constituante. Un projet qui est je trouve un des plus grands attraits de la France Insoumise, hormis la place immense de l'écologie dans tout le programme.

Parce que finalement, je ne crois pas que le débat se joue entre droite et gauche, mais entre ceux qui acceptent le monde tel qu'il est et ceux qui pensent qu'on peut le changer. Les résignés et les altermondialistes. Et en ça, le PS ne me paraît pas le mieux placé pour aller au bout de la démarche, c'est un euphémisme, étant une partie intégrante du système. Macron, n'en parlons même pas. Et je ne crois pas que la gauche puisse se permettre un nouveau quinquennat d'eau tiède.

Alors, beaucoup bloquent sur la personnalité de Mélenchon, lui préfèrent Hamon, moins clivant. Mais est-ce que ça n'est pas un plus d'être clivant dans une élection présidentielle ? N'est-ce pas parce qu'il était clivant que Sarkozy a gagné en 2007 ? Hollande lui-même a gagné essentiellement sur le discours du Bourget, "mon ennemi c'est la finance" et sur son idée de tranche d'imposition à 75%, on ne peut plus clivante... la déception vient du fait qu'il n'est pas allé au bout de la démarche. Et ça n'est certainement pas en distribuant des pâquerettes que Le Pen en est là où elle est.

On trouve Mélenchon grande gueule, mais justement, est-ce qu'on a le moindre doute sur le fait qu'il essaiera de mettre en place ce qu'il dit ? Sur le fait qu'il faudra un changement de constitution pour que cela soit réalisable vu les freins que pose parfois le conseil constitutionnel ? Son prétendu égo n'est-il pas l'assurance qu'il ira au bout de l'avènement d'une VIe République ? Quelle meilleure façon de rester dans l'histoire ? Même parmi ses détracteurs, qui doute de la sincérité de sa démarche ? J'ajoute qu'on parle de son égo, mais ayant vu un grand nombre de ses meetings, il se présente toujours comme un simple porte-parole d'un mouvement, dans une élection fortement personnalisée où l'on ne peut pas éviter d'avoir une identité forte pour représenter ce mouvement.

Mais c'est justement pour ça que j'ai eu envie d'aller voir au-delà de Mélenchon. Qui l'entoure ? Qui sont ses soutiens ? Comment ils travaillent ? J'ai profité de cette semaine où nous n'avions pas les enfants pour enfin assister à une réunion de la France Insoumise, autour du programme et de Charlotte Girard, l'une des principales animatrices de la démarche.

Ca n'a fait que me confirmer dans mes convictions. Le programme est né d'une vaste phase de contributions tous azimuts, de février à août 2016, qui s'est suivie de toute une période de tri, de synthèse, de consultations. Tout un tas de spécialistes (mais pas seulement, l'idée étant de ne pas laisser l'élaboration du projet uniquement entre les mains "d'experts") ont été entendus sur des projets qui sont restés, comme la planification écologique, ou qui ont été finalement écartés, comme le revenu universel tel que le voit Hamon.

La réunion était très riche, très mélangée en tranches d'âge, avec des questions pertinentes, parfois très réalistes, par exemple sur ce que sera certainement la réaction des marchés boursiers en cas de victoire de Mélenchon. Beaucoup "d'anciens" très cultivés étaient là pour apaiser des craintes comme celles du jeune homme que je citais dans le premier paragraphe et pour arguer chiffres à l'appui qu'on surévalue énormément l'importance de l'actionnariat dans l'économie du pays, par exemple.

La culture des intervenants allait même parfois jusqu'aux choix de sémantique, comme quand Charlotte Girard a salué les contributions qui pouvaient venir de ce genre de réunion et qu'elle allait "pouvoir faire remonter". "Remonter ?", a repris aussitôt une dame dans l'assistance, ce à quoi Mme Girard s'est immédiatement excusée, s'en voulant d'être formatée par la sémantique habituelle. Eh oui, "remonter" ça voudrait dire qu'il y a une hiérarchie, tout comme de dire qu'on est "derrière" Mélenchon.

Il y a eu beaucoup de questions et d'éclaircissements sur la façon dont s'organisera l'assemblée constituante et le ratio "élus/tirage au sort", y compris des questions très pointues d'un type que je soupçonne de faire des études de maths. Grosso modo, quand on votera pour les représentants du peuple dans l'assemblée constituante, il pourrait y avoir un bulletin de vote pour chaque "motion" de constitution et un bulletin "tirage au sort". L'argument du monsieur était que quelqu'un qui ne voterait pas "tirage au sort" aurait plus de chances d'être satisfait puisque ça peut très bien être quelqu'un de sa "mouvance" qui est tiré au sort. Ca m'a paru du chipotage au début, mais en fait, ça se défend. De même, il contredisait l'idée "d'imposer" une parité au tirage au sort, puisque statistiquement, cette parité devrait être effective quoi qu'il arrive. Mais pour vous dire qu'on en est déjà sur les réglages fins du programme, quand d'autres restent encore dans le flou le plus total.

Ah, information qui je trouve à son importance : Les travaux de l'assemblée constituante auraient un agenda sur deux ans, à l'issue desquels la constitution qu'ils proposeront sera soumise à référendum. Après quoi elle prendra immédiatement effet.

Charlotte Girard (qui me semble être une personne de talent, de conviction, charismatique et qui montre avec beaucoup d'autres que non, Mélenchon ne sera pas tout seul pour mener sa politique) a aussi insisté sur l'importance de ce quinquennat, et c'est vrai qu'avec l'élection de Trump, on a tous le sentiment que c'est la dernière sortie possible avant de se prendre un mur. Le CETA doit être ratifié ou pas par le prochain Président, les traités européens doivent être renégociés et, je crois, une vingtaine de centrales nucléaires vont arriver à leur date de péremption.

D'autres points intéressants ont été abordés, tels le planning de la campagne, du chiffrage, des thèmes mis en avant, etc. Le programme lui-même continue d'être peaufiné, le bouquin "L'Avenir en Commun" n'étant finalement qu'un synopsis de ce que sera finalement le programme. Et puis des questions plus amusantes, comme ce jeune homme qui demande "comment la France Insoumise peut-elle convaincre la France Soumise ?". Une chouette ambiance, entre gens qui pensent qu'on peut (et qu'on doit) changer le monde.

Pour vous dire, qu'on soit d'accord avec eux ou pas, l'avance monumentale qu'a pris La France Insoumise sur ce travail, et le nombre gigantesque de gens qui y ont participé et continuent d'y participer. C'est pour ça que face à un projet comme celui de Hamon qui tient des mêmes sensibilités mais qui est beaucoup moins abouti et qui est confronté à beaucoup d'embûches internes, il n'y a pas photo. Il ne s'agit pas de Mélenchon ou Hamon. Projet contre projet, je ne peux qu'aller vers la France Insoumise. Assister à cette réunion m'a aussi convaincu qu'il était impossible de transiger sur le contenu du programme, si ce n'est à la marge ou pour l'enrichir. C'est aussi pour cette raison qu'il aurait été incompréhensible pour tous ceux qui ont participé à ce mouvement qu'il soit mis en péril en participant aux primaires du PS.

Si ce projet l'emportait, la France pourrait être l'instigatrice d'un changement de société et de fonctionnement du monde. Bien sûr, au début, nous serons seuls, mais il faut bien que le changement parte de quelque part. Et les italiens, les allemands ont des élections importantes cette année, ils pourraient nous suivre. Si l'Europe arrive à se transformer pour ressembler davantage à ce que les peuples voudraient qu'elle soit, elle peut tirer son épingle du jeu pendant les quatre années terribles qui attendent les Américains.

Et je pense vraiment qu'on peut gagner. Même si ça ne sera qu'un début, comme en parle assez bien l'économiste Frédéric Lordon dans cette vidéo avec un soutien prudent à Mélenchon, vidéo par laquelle je conclurai.

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E
Au-delà des petites phrases qui font le buzz il y a un problème de fond à gauche.Quel est-il ? Y-a-t-il une place pour des politiques de gauche,de progrès,de défense de l’intérêt général dans le cadre des traités actuels de l’U.E. néolibérale ?Peut-on préserver les grandes sociétés nationales que sont la S.N.C.F.,E.D.F,G.D.F. ainsi qu’un enseignement public (universités,recherche)et des hôpitaux publics dignes de ce nom ?Peut-on préserver la cohésion des sociétés (contre de trop grandes inégalités)et des territoires en Europe?Peut-on mener une politique fiscale de progrès (# paradis fiscaux)et une politique favorable au développement industriel comme à l’environnement (=> transition écologique) ?La réponse est négative.Contre les traités actuels qui détruisent le consensus du Conseil National de la Résistance (# consensus de Washington)il n’y a qu’un seul levier,celui de la SOUVERAINETE NATIONALE.Le reste relève du débat tronqué,mal posé,inutile.Défendre les acquis des peuples ne revient pas à être nationaliste.Cela est injurieux,insultant,stupide (pour ne pas dire malhonnête).Le récent débat animé par J .Cotta sur le Média offre quelques repères utiles à tous ceux qui s’interrogent sur l’opportunité et la nécessité de rompre avec les traités actuels de l’U.E. qui sont,quoiqu’on en pense secrètement,le tombeau de la gauche en Europe.
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K
"La culture des intervenants allait même parfois jusqu'aux choix de sémantique, comme quand Charlotte Girard a salué les contributions qui pouvaient venir de ce genre de réunion et qu'elle allait "pouvoir faire remonter". "Remonter ?", a repris aussitôt une dame dans l'assistance, ce à quoi Mme Girard s'est immédiatement excusée, s'en voulant d'être formatée par la sémantique habituelle. Eh oui, "remonter" ça voudrait dire qu'il y a une hiérarchie, tout comme de dire qu'on est "derrière" Mélenchon." - Ahahahahah, mort de rire, j'adore.
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C
Merci pour l’information. Bonne continuation
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A
très beau blog sur les célébrités et les peoples. un plaisir de venir ici.
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A
beau blog. un plaisir de venir flâner sur vos pages. une belle découverte. au plaisir
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