
Ma prochaine pièce, si tout se passe bien (oui, parce que d'ici à ce que j'ai le temps de l'écrire, j'ai bien le temps de changer quinze fois d'avis), devrait parler de séries télé. La montée en puissance, en qualité et en sophistication des séries TV depuis quelques années est un phénomène relativement indéniable et à côté duquel on peut difficilement passer. Perso, je situe les prémisses de ce mouvement à
Friends, ce qui remonte tout de même déjà à un paquet de temps. Il se trouve qu'avec tite chérie (ça faisait longtemps que je vous avais pas parlé de tite chérie, hein ?) on a fini il y a peu de se revoir l'intégralité des dix saisons de la série. Elle n'avait vu que quelques épisodes, ça m'intéressait de tout revoir et de voir l'évolution. Des personnages, des acteurs, de l'écriture surtout. On s'est vu tout ça sur une période de... allez, cinq-six mois, disons.
Je comprends évidemment qu'on puisse ne pas aimer
Friends. C'est très propre, c'est très, comment dire, blanc... C'est plein de bons sentiments et il ne faut surtout pas tomber sur la VF au risque de faire une rupture d'anévrisme. Mais le côté eau-de-rose des premiers épisodes est vite mis en veilleuse pour laisser la place au talent comique réel des comédiens, et au talent de scénariste réel des responsables de la série. Comme pour toute série,
Friends a parfois des coups de mou, mais l'ensemble démontre d'un sens de la situation et de la réplique qui ne peut que faire rêver un auteur de comédies tel que moi. C'est une des premières séries que j'ai suivies assidûment, à l'époque j'étais plus de l'école
Friends que
Seinfeld, d'ailleurs. (Les deux me faisaient rire, hein, mais Seinfeld lui-même m'a toujours un peu agacé).
Ce que je continue de trouver ahurissant, c'est que, quoi, presque quinze ans après, on a toujours pas été foutus en France de faire quoi que ce soit qui arrive à la cheville de cette série, dans le créneau série comique. Il se trouve qu'à l'époque des premières saisons, je faisais mes premiers pas en tant qu'auteur et je me suis retrouvé sur des plans de scénariste de série... où tout le monde, évidemment, ne jurait que par
Friends. Mais quand je discutais avec les producteurs, les raisons du succès de la série n'étaient jamais : C'est bien joué, c'est bien écrit, les personnages sont attachants... Mais : "C'est génial, Friends, dans la saison 1, on a à chaque fois deux intrigues qui se recoupent à la fin, et il paraît que dans la saison 2 ils font pareil avec trois intrigues !" Un peu réducteur, non ?
Résultat, les premières tentatives de scénar "à la" Friends que j'ai proposées m'ont été renvoyées, parce que je faisais faire aux personnages des choses qui n'étaient pas très "matures". "Nos héros doivent tous avoir un QI de 200", m'a-t-on dit à l'époque, texto. Alors qu'on sait bien que l'un des attraits de
Friends est la capacité de ces héros à être vraiment très, très cons. Un peu comme nous, quoi. J'ai pas duré longtemps, dans ce milieu. Le milieu de la télé et moi, c'est pas une grande histoire d'amour, d'ailleurs, mais bon, c'est une autre histoire.
En France, quand on s'inspire d'un truc, on a apparemment beaucoup de mal à le digérer, à l'analyser d'abord. Quand Canal +, il y a quelques années, a lancé quelques séries comiques, dont
H, ils ont eu l'idée intéressante de reprendre le principe de tournage en public, la chose qui rend les rires dans
Friends supportables. Quand je parle de méthode mal digérée, c'est qu'alors que le public de la série américaine est, évidemment, changé entre chaque prise des différentes scènes, pour les séries Canal, le MÊME public arrivait à 10h du matin, se tapait plusieurs fois chaque épisode pour repartir parfois à 23h le soir. Il paraît pourtant évident que la scène la plus drôle du monde, à la cinquième vision, donnera des rires moins spontanés qu'à la première. Du coup,
H est la seule série qui a accroché, parce qu'au moins Jamel, Eric et Ramzy faisaient leur numéro et distrayaient leurs fans. Mais bon, j'arrête de m'exciter contre mes contemporains.
Non,
Friends n'a pas la sophistication d'un
Lost ou la profondeur d'un
Six Feet Under (profondeur - Six Feet Under - ah ah), mais elle est arrivée avant, et la rigueur et l'efficacité de son écriture, et du jeu des comédiens, en fait encore une série à voir et à revoir, avec quelques morceaux de bravoure assez immortels. La qualité de cette série, j'en suis sûr, a monté la barre pour tout ce qui a suivi.
Ah, j'ai reçu le coffret HD-DVD de
Heroes, et on a commencé à se regarder ça. Mes impressions d'ici pas trop longtemps, je sens qu'on va se le bouffer vite fait.
(Image Copyright Warner)