
Apparemment, ma ligne de Transilien (Gare de l'Est - Coulommiers) va donc être fermée tout le week-end. Il me reste donc à espérer qu'il y aura des trains sur la ligne E du RER, pour que je puisse rejoindre Tournan (à 30 minutes de chez moi, quand même) afin que tite chérie m'y récupère. Dans le cas contraire, je serai coincé à Paris pour le week-end et je devrai sans doute renoncer à traduire un de mes albums de mars, sans doute
Promethea. Pour ce qui est du théâtre, les recettes étaient hier divisées par deux et ça devrait être la même chose ce soir. Et on fait partie des théâtres qui s'en tirent pas mal. Anecdotique, me dira-t-on. Pendant ce temps-là, des cheminots souffrent.
Bon, j'ai jamais été très fan fan de la grève. Dieu sait que je suis plutôt plus à gauche qu'à droite, comme vous en auront sans doute (?) convaincu mes différents articles datant de l'élection présidentielle, mais le syndicalisme borné me donne envie de mettre des gifles bien autant que les riches qui veulent tout garder pour eux. Dans le genre, le summum de la bêtise avait été pour moi la grêve des intermittents à Avignon (2003, c'est ça ?) qui me concernait pourtant directement. J'avais eu toute une discussion surréaliste au milieu de la rue avec une prof, toute contente d'avoir "exporté" le concept de grêve jusque dans notre milieu, où j'ai réussi au bout de, oh, une heure de conversation, à lui faire comprendre que de faire la grêve du théâtre avait pour seules conséquences de priver les intermittents de leur seule tribune... et de punir les seuls qui les soutenaient, à savoir le public. Les images de je ne sais plus quel festival où les spectateurs d'un concert non gréviste se faisaient huer et jeter des trucs à la gueule m'avaient sérieusement donné des envies de meurtre.
Il y a plusieurs choses qui m'agacent dans cette grêve là, particulièrement. Déjà ce truc de non-reconductible, mais en fait si un peu, mais en fait boh ben allons-y gaiement pour tout le week-end. Du pain béni pour le gouvernement puisqu'à terme, ça ne peut que retourner l'opinion contre les grêvistes (celle qui est d'accord avec eux, j'entends). Ensuite, l'apparition dans la manif parisienne de jeudi d'autocollants "Vive la Grêve" que j'ai vraiment, vraiment beaucoup de mal à comprendre. Comme si, à défaut d'une révolution où on couperait les têtes de ceux qui gagnent mieux leurs vies que nous, on se rabattait sur la grêve comme véhicule pour afficher son mal-être, et peu importe, au fond, le sujet. Si on fait la grêve, normalement, c'est que ça va pas, non ? Comment on peut dire "vive la grêve" ? Quel intérêt ? Qu'on m'explique.
J'ai également vu des slogans sur certains camions qui m'ont laissé songeur. Genre "la retraite à 35 ans d'annuités pour tous !". C'est super mal vu si je dis que j'aime bien mon métier ? Que je compte bien faire du théâtre (et des traductions, eh, pourquoi pas ?) jusqu'à bien au-delà de mes 60 ans... c'est-à-dire en ayant largement dépassé les 40 ans de métier (j'ai des fiches de paie depuis que j'ai 16 ans). C'est pas un peu paradoxal, pour un peuple qui a élu le mec qui veut nous faire travailler plus ?
Et le coeur du problème, d'ailleurs, pour moi, est là. Je pense et je dis énormément de mal de Sarkozy, mais il y a un point sur lequel il n'y a rien à redire, c'est qu'il a prévenu. On n'est pas comme en 95. Le coup des régimes spéciaux, il l'a quand même martelé pendant toute sa campagne. On l'a élu quand même. Il a déjà, curieusement, reculé sur un tas de trucs qu'il avait dit qu'il ferait. On peut pas faire semblant d'être surpris si il veut aller au bout de ce truc-là, vu le nombre de fois qu'il l'a répété. Alors, quoi, la démocratie, c'est que quand on est d'accord ? Moi, je croyais que quand la majorité nous donnait tort, en démocratie, on n'avait plus qu'à serrer les fesses en espérant un "réveil" à la prochaine échéance électorale. Mais bon, si j'en crois les discussions transiliennes de l'autre jour, qui tournaient essentiellement autour de la grande question "est-ce que Dati couche avec Sarko ?", mon peuple n'est pas disposé à décoller du niveau "Voici" de la réflexion politique.
Curieusement, ça me rappelle un pote, plutôt extrême-gauche, qui voulait pas voter aux Présidentielles (premier tour) parce qu'aucun candidat ne le représentait. Putain, avec la chiée plus douze de candidats d'extrême-gauche qu'il y avait, il y en avait pas un qui lui convenait. Mais non, il y a quand même un syndrome à gauche qui fait qu'on ne veut que d'un candidat qui pense et fait exactement comme on ferait, nous. Ce truc de pas voter Royal parce qu'elle était "pas assez à gauche". Parce que Sarkozy l'est plus ? On a du mal en France (et oui, surtout à gauche) à accepter que la démocratie, ça ne peut fonctionner qu'avec un nombre tout de même limité d'alternatives. Si je tenais le même raisonnement, je ne voterais que pour le candidat qui déciderait de mettre fin au hold-up des opéras nationaux sur le budget de la culture, par exemple... et je ne voterais donc plus pour les 235 années à venir. L'autre option, c'est celle qui tenait à coeur aux fondateurs du Café de la Gare : l'anarchie, la vraie. Mais hélas, elle ne peut fonctionner que dans un pays où tout le monde est brillant. Et s'il y a une phrase qu'on répète souvent avec tite chérie, même si c'est souvent en running-gag, c'est quand même "les gens sont cons".
Alors, qu'il y ait une journée de grêve une ou deux fois, histoire de rappeler au gouvernement que ce serait bien de faire ça en y mettant les formes (un petit bisou avant la pénétration, quoi), d'accord... Mais si on repart comme en 95 avec une France bloquée, un mouvement dont on ne sait jamais quand il s'arrête et des spectacles qui coulent les uns après les autres, je vous préviens que je fais un attentat suicide à une AG de FO.
Bon, "quel rapport avec le roti ?", se demandent ceux qui ont bloqué sur le titre de l'article et n'aiment de toute façon pas trop quand je me mets à parler politique (coucou belle-maman). C'est juste qu'avec tite chérie, on est allés dîner mercredi soir, pour son anniversaire,
"Dans le Noir ?", ce restaurant de la rue Quincampoix où on dîne dans l'obscurité la plus totale, servis par des aveugles. Une expérience plutôt marrante, instructive (comment on fait pour se servir du vin sans en foutre partout), même si la nourriture n'est pas à tomber par terre. A vouloir trop surprendre (oui, parce qu'on ne sait pas au départ ce qu'on va manger, on ne fait que donner ses contre-indications), les cuisiniers nous proposent des mélanges où il y a un peu tout et n'importe quoi. La nourriture ne vaut certainement pas le prix du couvert, on paie pour l'expérience.
Un détail amusant, c'est qu'on s'est retrouvé à une table de six, avec quatre canadiens de Calgary ne parlant qu'anglais. L'ambiance était plutôt sympa, je faisais des blagues, on papotait... mais dès que nous avons retrouvé le monde des voyants, paradoxalement, une barrière s'est dressée entre nous. Tite chérie et moi étions très curieux de voir à quoi ressemblaient nos voisins de table, mais eux étaient tout à coup très réservés.
Dans l'ensemble, ça reste une expérience à vivre, une fois, si on a le budget.
Peut-être que je devrais faire une journée dans une locomotive pour être plus sensible aux soucis des cheminots.
(Image copyright ben non)