
Sur le forum de Panini, il y a pas longtemps, il y a eu un commentaire qui m'a fait réagir par je ne sais plus quelle pique désabusée (du type "putain, je me sens vieux"). Le commentaire était de l'ordre du "c'est quand même inadmissible, l'album sort dans six mois et on n'a aucune information dessus !". Et moi de me souvenir de l'époque où on avait, au mieux, une vision à trois mois de ce qui allait sortir en VF comme comics. Est-ce qu'on était beaucoup plus malheureux ? Est-ce qu'on était pas, même, un peu plus impatients d'avoir entre les mains des BDs dont nous n'avions pas déjà découvert par avance tous les détails sur Internet ? Et pareil pour le cinéma, d'ailleurs.
L'exigence d'une information la plus rapide et la plus claire possible pourrit un peu l'atmosphère, je trouve. D'abord, parce que l'info n'a pas toujours à être claire, binaire, oui / non. Ensuite, parce que la priorité donnée à l'info la plus facile à trouver nuit au journalisme d'investigation (qui, même quand il a lieu, est souvent ensuite résumé à son expression la plus "commerciale" par les confrères). Les rumeurs internautes deviennent scoops exclusifs, les magazines d'information font jeu égal avec la presse people.
J'aimerais qu'on m'explique ce qui a changé depuis les années Clinton, où on se foutait de la gueule des américains parce qu'ils vilipendaient leur président pour ses frasques extraconjugales, où Hugh Grant était obligé de s'excuser publiquement d'être allé aux putes. J'aimerais savoir en quoi je devrais avoir quoi que ce soit à secouer de la vie sexuelle de Sarkozy. Oui, son histoire de texto est assez péteuse, mais je trouve largement aussi minable que le Nouvel Obs se retrouve à sortir un scoop digne de Voici. Je les plaçais au-dessus de ça. Alors, oui, je sais, c'est pas le journal, c'est le blog... M'en fous. Il me paraît normal que la ligne éditoriale du journal soit aussi celle du site Internet.
Oui, je sais aussi que c'est bien fait pour la gueule de Berluskozy, qui l'a bien cherché en se surmédiatisant, patati, patata. Je veux juste dire que c'est assez dangereux pour ses adversaires de se ruer dans la brèche pour se féliciter de la chute du Président dans les sondages et proclamer, déjà, qu'il est fini. D'une part, parce que je ne trouve pas suffisant pour enterrer un homme politique de condamner le fait qu'il se prenne pour une star de cinéma. D'autre part parce que si Sarkozy baisse, Fillon, lui, monte. C'est pas la politique de Sarkozy que les gens condamnent. Son espèce de roman-photo permanent est peut-être bien l'écran de fumée politique le plus réussi de ces dernières années. Le texto de Sarkozy a pris la une de l'actualité toute la semaine dernière, reléguant au second plan la grève des aéroports et le Kosovo qu'est en train de nous refaire une guerre civile. Trop compliqué, tout ça. "Cé6lia, je te kif toujour", c'est mieux, comme info.
Résultat, on est en train de nous vendre un scénario des municipales où la vague PS écrase tout sur son passage... moi, je suis pas bien sûr. Les guignolades du Président donnent par contraste un air de sérieux et de professionnalisme à son gouvernement, et je ne me souviens pas d'un Premier Ministre qui ait gardé une aussi bonne cote au bout d'un an de mandat depuis bien longtemps. Peuple de gauche, je crois pas que ce soit le bon moment pour oublier d'aller voter en pensant que c'est plié.
Alors permettez-moi de douter du fameux "les médias se sont retournés contre l'animal Sarkozy". Ils continuent de jouer avec les cartes qu'il distribue, comme il l'entend, point barre. Ils ont juste
l'impression de s'être rachetés une conduite. On est toujours dans l'info qui fait l'info.
Et c'est là où je voulais en venir, parce que, évidemment, il n'y a pas que nous qui allons vite en besogne, on peut toujours compter sur les américains pour vendre la peau de l'ours avant qu'il se soit fait lyncher. Il y a deux sujets que j'ai plusieurs fois abordés dans ces pages et qui ont trouvé récemment une issue : la grève des scénaristes hollywoodiens et la guerre Blu-Ray / HD-DVD. Dans les deux cas, ça fait un moment que le résultat final est publiée sur Internet (et rapporté ici via mes chers commentateurs). Je n'en ai rien dit jusque là, tout simplement parce que j'étais un peu atterré.
Premier point : la grève. "La grève est finie". J'ai lu ça partout. Le patron de Disney est allée le raconter à tout le monde au SuperBowl. Tous les journaux télévisés français s'en sont fait l'écho. Alors que le vote pour la reprise du travail n'avait pas eu lieu. Oui, le syndicat avait appelé ses membres à accepter l'offre du syndicat des producteurs. Mais vous imaginez, sur une grève française, si on annonçait aux infos la fin d'une grève avant le vote des cheminots ? C'est un coup à repartir de plus belle, normalement. Une info qui était fausse a fait le tour de la planète. Peu importe qu'elle soit devenue vraie quarante-huit heures plus tard : l'info a fait l'info, les journalistes ont décidé pour les scénaristes ce qu'ils allaient voter.
Et en passant, si des progrès ont été faits et malgré ce qu'on raconte, le deal final est loin d'être aussi satisfaisant que l'espérait la majorité des scénaristes. Mais c'est Mark Verheiden (scénariste / producteur de
Battlestar Galactica) qui a très bien résumé la situation : on était à une période charnière où si le travail reprenait, on pouvait se remettre à tourner des épisodes de série et sauver la cérémonie des Oscar. Après quoi, le syndicat des scénaristes aurait perdu tous ses moyens de pression, puisque la saison aurait été de toute façon foutue, et n'aurait plus eu qu'à faire une grève dans le vide pendant quatre mois, le couteau sous la gorge, jusqu'à la grève des acteurs, en juin. Il a été jugé que le jeu n'en valait pas la chandelle.
Mais n'hésitez pas à aller
voir ici les commentaires d'Harlan Ellison sur la fin de la grève. C'est fleuri.
Deuxième point : la fin du HD-DVD. "Toshiba abandonne le HD-DVD". Pareil. L'info a été publiée partout. Elle a été relancée par Reuters. L'annonce officielle de Toshiba date de cette nuit. Cette nuit. Il me semble que, fut un temps, on aurait titré ce genre d'article par un "Toshiba pourrait abandonner le HD-DVD", ou au moins un "Toshiba abandonne le HD-DVD ?", avec le point d'interrogation. Il y a que moi que ça dérange, ce genre de truc ? Ce sera quoi, après ? "McCain est le nouveau président américain" deux jours avant le vote ?
En tout cas, maintenant que la chose est officielle, je peux bien m'exprimer dessus. Ca m'étonnerait beaucoup que Paramount et Universal s'accrochent, puisque Toshiba a carrément annoncé que d'ici mars, ils allaient enlever les lecteurs HD-DVD de la circulation. Le Blu-Ray a gagné, c'est clair. Et bon, tant mieux, sans doute, parce que les gens y pigeaient que dalle, à ces histoires. Il faut dire aussi que ça commençait à m'agacer de continuer à tomber régulièrement sur des disques buggés. Le dernier en date était
Harry Potter 5 que j'ai dû échanger, et je dois dire que je n'ai jamais eu de problème de lecture de ce genre sur les Blu-Ray (bon, faut dire que j'en ai moins). C'est surtout l'interactivité du HD-DVD (et l'arrogance de Sony) qui m'avaient fait pencher pour le format "rouge", mais apparemment les nouveaux Blu-Ray vont enfin s'aligner. Et les lecteurs ont quand même perdu quelques centaines d'euros dans la bataille.
Est-ce que j'ai les glandes d'avoir commencé par parier sur le HD-DVD ? Du tout. Ca fait des mois que je m'éclate avec des films en haute définition, et j'ai quand même une bonne cinquantaine de disques qui pourront continuer de tourner sur mon lecteur.
(Update quasi-immédiat : Universal vient effectivement d'annoncer qu'ils allaient désormais faire des disques Blu-Ray. J'imagine mal Paramount rester tout seul sans machine...)
(Image Copyright Toshiba)