
Ma tite chérie étant à Avignon, et étant donné que j'ai pris un peu d'avance sur mes trads (jusqu'à ce que je me retrouve à la bourre, bien sûr), je profite de mes soirées pour me faire quelques séances de rattrapage sur des films que j'ai depuis un petit bout de temps dans ma collec, mais que je n'ai jamais pu convaincre ma dulcinée de regarder, ou que je ne lui ai jamais proposé tellement c'était pas la peine. Des films de garçon, quoi.
Enfin, non, c'est pas tout à fait juste, parce qu'il y a des films de garçon qui plaisent bien à tite chérie. Et
Zodiac, de David Fincher, ne peut pas vraiment être qualifié comme tel... même si c'est moins évident avant d'avoir vu le film qu'après. Tite chérie ne voulait pas voir
Zodiac parce qu'elle avait
Seven en tête, qui l'a traumatisée comme tout être normalement constitué. Il me semblait bien avoir lu que ce film-là n'avait pas grand-chose à voir (et je voyais mal Fincher faire deux fois le même film), mais ça ne l'a pas convaincue, du coup elle a décrêté qu'elle voulait plus voir de films avec des serial-killers parce que ça la stresse. Que des êtres humains puissent faire des choses de ce genre, j'entends.
C'est dommage qu'elle ne l'ait pas vu, ce film, parce que l'approche du genre est très intéressante : il y a notamment une conversation qui fait vachement relativiser les massacres d'un tueur en série, où on dit que même le plus sanguinaire d'entre eux ne fera jamais plus de victimes qu'un bon gros accident de la route. Ce sont des cas qui marquent l'imaginaire collectif, mais d'un point de vue statistique, c'est du pipi de chat. Du coup, ce film est aussi intéressant parce qu'il aborde cet aspect, d'une société qui commence (on est dans les années 70) à faire tout un pataquès à partir d'un pipi de chat statistique. Ca n'a pas grand-chose à voir avec la folie sécuritaire que nous traversons et sur laquelle il va falloir que je revienne un de ces quatre (je ne parle pas que de la sécurité "policière" mais des histoires de normes, de "risque zéro", de "comment faire pour que ça n'arrive plus jamais" qui vont entre autres nous obliger bientôt à tous mettre des détecteurs de fumée dans nos maisons), mais j'y vois un signe avant-coureur, sans doute surtout parce que ça me travaille beaucoup en ce moment, j'admets. Mais faudra que je mette ça à plat, parce que là, je sens bien que ce paragraphe est un peu confus.
Bon, mais sinon, il est bien ce film ? Il est... curieux. Je ne peux absolument pas dire qu'il n'est pas bien : le casting est impeccable, la réalisation est comme d'hab avec Fincher à tomber par terre (tite chérie était aussi un peu découragée parce qu'elle confondait la réal lascive de Fincher avec le clipage surdécoupé de Guy Ritchie, Dieu sait pourquoi), le film a été entièrement tourné en HD ce qui fait du HD-DVD une pièce assez magnifique... C'est drôle et effrayant, avec peu d'action mais souvent surprenant.
Et pourtant... je sais pas, j'en suis ressorti avec une petite impression de fouillis. Déjà, malgré le fait que ce soit la Director's Cut que j'ai vue, il y a des trucs que j'ai pas bien compris, alors que je crois être quelqu'un d'assez attentif qui devine en général qui est l'assassin pendant la première bobine. Là, par exemple, et ça n'est pas un spoiler très important, je n'ai absolument pas compris pourquoi un des flics se fait à un moment accuser d'être l'auteur d'une des lettres du Zodiaque. Mais pas du tout. Il y a deux trois trucs comme ça qui passent très vite et après lesquels on a du mal à raccrocher les wagons. Il y a des personnages importants dans la première partie du film qui disparaissent quasiment de la deuxième moitié... et qui manquent un peu, du coup. Dans le même genre, on oublie complètement les histoires de codes qui semblent si importants au début. Et puis le film démarre un peu comme un truc à la
Scream, pour ensuite complètement laisser tomber ce côté-là, sauf à quelques rares occasions. Fincher était visiblement plus intéressé par l'enquête que par son tueur en série, et on a un peu l'impression que deux films cohabitent. Je ne dis pas forcément que c'est raté, simplement qu'en arrivant au bout, ça m'a laissé une impression un peu... bordélique, quoi, pas super maîtrisée.
N'empêche qu'il y a beaucoup de moments très très biens dans ce film, et que c'est un bon moment, mais j'ai le sentiment qu'il me sera sorti de la tête d'ici la fin de la semaine. Ne vous laissez pas arrêter par la crainte de revoir
Seven, en tout cas, le film n'a rien à voir. Et il est beaucoup plus enjoué, aussi.
Autre Director's Cut, autre sentiment mitigé, mais en blu-ray, cette fois :
La Légende de Beowulf, la dernière imagedesynthèserie en date signée Robert Zemeckis. J'ai pas vu sa précédente tentative,
Le Pôle Express, mais de ce que j'en ai entendu, j'ai pas raté grand-chose. Là, le côté dessin animé pour adultes avec des vikings qui se font démembrer, ça me plaisait plus, comme concept.
Je crois qu'il y a vraiment un problème quand on est dans l'image de synthèse photoréaliste, c'est qu'on est sans arrêt perturbé par les pensées "ouah, qu'est-ce que c'est bien fait" et "ah non, là, c'est pas terrible". Il y a pas ce problème-là sur les Pixar, par exemple, parce que les animateurs y créent leur propre univers : une fois qu'on est dedans, on y est, point. Sur un truc comme
Beowulf, dont l'animation est pourtant excessivement réussie, chaque mouvement un peu raide, chaque interaction un peu bancale avec les objets... distrait. On se demande pourquoi les assiettes ne sautent pas sur les tables quand tout le monde tape du pied, pourquoi le gars rebondit sur le pilier sans avoir vraiment l'air de le toucher... bref, on gamberge un peu trop.
Ce qui est en même temps un gage de la réussite du film, quand il est réussi, parce qu'il y a des moments où j'ai pu oublier tout ça et m'immerger dans le truc, qui a pour lui une vraie ambiance. Il faut sans doute en remercier Neil Gaiman et Roger Avary, les scénaristes, dont j'avais totalement oublié qu'ils avaient participé au film avant de voir leur nom au générique (de même que John Bolton, qui a réalisé le design de certains personnages) et le casting assez grandiose. Le côté gore, tellement inédit dans ce genre de truc, est aussi assez efficace, et la plupart des visages des personnages principaux sont très réussis. En plus, le film ne va pas vraiment dans la direction où on s'attend qu'il aille, c'est un truc assez noir, plutôt sympa. Sauf que la première créature, Grendel, est vachement plus impressionnante, réussie et pathétique que celle qui vient plus tard.
On comprend bien ce qui plaît à Zemeckis dans cet exercice. Il a toujours aimé les travellings impossibles, je m'en souviens d'un ou deux pas piqués des vers dans
Contact et de quelques autres dans
Apparences. Ici, il peut s'en donner à coeur joie : on pourrait penser qu'ils sont moins impressionants du fait qu'on est dans de l'image de synthèse, mais non, il y en a quand même un certain nombre de très inventifs et réussis (et qui seraient sans doute carrément impossibles à faire en vrai). Bon, il y en a peut-être un peu trop, avouons-le, du genre "on va encore faire tout le travelling pour sortir du palais et aller dans la forêt ?".
Mais voilà, là aussi, c'est un film qui mérite le coup d'être vu, même si, pareil, je crois pas que j'y repenserai beaucoup. Peut-être juste pour le revoir dans quelques mois, avec mon frère à qui ça devrait beaucoup plaire.
(Image Copyright Paramount)