
Coucou me revoilà... Je suis parti une semaine, tout d'abord à Montpellier, pour bosser avec mon grand frère sur la musique de
À Suivre...!, puis j'ai rejoint tite chérie à Avignon, où elle joue deux spectacles tous les jours,
Lancelot et le Dragon à 16h et
La Baraque à 21h30.
Oui, je parle au présent, car contrairement à ce qu'on a pu entendre aux journaux télé de grande écoute, qu'on ne place plus au-dessus de ce genre de connerie, le Festival d'Avignon n'est pas terminé... en tout cas pas le "off".
Il y a de quoi gifler des gens, franchement. Mais contre toute attente, ça n'est pas au journal de TF1 que je vais en mettre plein la gueule ce soir, mais aux organisateurs du "off", qui semble-t-il veulent enterrer des compagnies pour qui le Festival d'Avignon est déjà une épreuve suffisamment ardue en l'état.
Déjà, au départ, il y a cette ineptie de faire un festival "in" et un festival "off", d'opposer deux... deux quoi ? Deux visions du théâtre ? Deux classes sociales ? Deux catégories de spectacles et de spectateurs ? La majorité de ces spectateurs n'a jamais su faire la différence entre les deux, les commentaires qu'ont suscité mon dernier article sur la question semble confirmer cette tendance, alors faisons un peu le point. Le "in", c'est le festival, on va dire, officiel : soutenu par l'état et les médias, subventionné, institutionnalisé. Je ne cherche pas à casser du subventionné, le festival a changé de "mains" il y a deux ans, et de ce que me dit tite chérie des spectacles du "in" qu'elle a pu voir (gratos, j'y reviendrai), il y a des choses plutôt bien, sans doute moins intello, rebute-pékin-moyen et "théâtre maudit" qu'auparavant. Mais voilà, ce sont des spectacles sur lesquels il n'y a aucun risque financier, tout est subventionné, la programmation est restreinte... et en plus, les médias en parlent.
Et puis, il y a le "off". Le "off", c'est ce qui se passe dans toutes les salles de théâtre normales d'Avignon, avec des compagnies de toute la France, qui paient de leurs deniers la salle, les logements (à des prix en général honteux), l'affichage, les tracts... qui paradent dans les rues d'Avignon (comme l'équipe de tite chérie ci-dessus) pour s'assurer que les spectateurs choisiront de voir leur spectacle plutôt que les mille et quelques autres qui se jouent sur la même période, de dix heures du matin à parfois plus de minuit le soir. Les plus aguerris viennent à Avignon en sachant à quoi s'attendre, en sachant qu'il y a en moyenne cinq spectateurs par jour pour chaque spectacle et que donc, étant donné qu'une petite centaine bourre tous les jours (parce que spectacle porteur, bon bouche à oreille, parade efficace et parfois effet de mode dépassant l'entendement), pour les autres ce sera tous les jours la guerre pour avoir dans la salle de quoi jouer (sans même parler d'être rentables, ce qui n'arrive quasiment jamais à Avignon, même pour les succès). De l'autre côté, il y a chaque année les petites compagnies (et parfois des talents plus confirmés... comprendre, "connus") qui arrivent à cette grande fête du théâtre, le regard plein de rêves et d'espoirs... et qui repartent à la fin des 23 jours de festival complètement laminés, épuisés, désespérés et ruinés. La dernière fois que j'ai fait Avignon en tant que comédien, il y avait déjà 700 spectacles et c'était deux fois trop. Aujourd'hui, on pète les 1000 et ce serait drôle si ça n'était pas si terrible.
A noter que quand je parle des salles de théâtre "normales" d'Avignon, je parle du sens le plus large du terme "normal". Certains "théâtres" ne sont pas beaucoup plus que des cuisines aménagées pour recevoir une poignée de spectateurs, attirer quelques troupes crédules et se faire du fric facile sur le dos des intermittents.
Depuis toujours, donc, le "in" évolue en marge du "off", dont le conseil d'administration est squatté par quelques individus qui profitent on ne peut mieux de toute l'histoire. Les deux parties ont toujours été inconciliables, alors qu'il est évident que faire UN festival d'Avignon, avec UN programme, au sein duquel pourraient éventuellement être distingués, mis à part, les spectacles subventionnés, serait plus lisible, plus sain, et d'une manière générale préférable pour tout le monde. Les intermittents n'étant pas réputés pour leur esprit de corps, la seule tentative pour essayer de mettre fin à cette regrettable situation, il y a quelques années, a abouti à la création de DEUX programmes du "off". Avec des pressions des deux côtés et la menace de ne pas pouvoir être dans un programme si l'on est dans l'autre. On avance vachement. Le "off" "officiel" a finalement repris la main... et ça n'a rien réglé.
Bon, ça, c'est Avignon d'habitude.
Cette année, la bonne blague supplémentaire, c'est que le "in" a attendu le plus longtemps possible pour annoncer ses dates de festival, sur lesquelles s'aligne le "off". Le "in", qui désormais, en plus, ne s'appelle plus "Festival In d'Avignon" mais tout simplement "Festival d'Avignon", ben tiens, a finalement choisi la période du 3 au 27 juillet. Le comité directoire du "off" a donc en toute logique choisi de programmer le "off"... du 10 juillet au 2 août. Raison invoquée : le 3 juillet c'était trop tôt pour ces salles qui sont des collèges ou autres le reste de l'année, dont le maintenant notoirement célèbre Collège de la Salle. Bien sûr, elles ne sont qu'une toute petite poignée, ces salles, et elles ne devraient pas suffire à tirer une balle dans le pied à tout le festival "off". Mais parmi ces salles, il y a, donc, le Collège de la Salle, dont le directeur est un membre important dudit comité d'administration (le même type qui se ventait lundi dans les pages du journal local de son éclectisme, parce qu'il prend des spectacles sans les avoir vus... moi j'appelle ça faire garage, mais bon). C'est ainsi que sans aucune concertation avec les quelque mille (rappelons-le) compagnies du off, ces dates absurdes sont choisies, alors que n'importe qui ayant pratiqué un peu le Festival sait que même en temps normal, déborder sur août est une mauvaise idée.
Evidemment, les intermittents n'étant toujours pas réputés pour leur esprit de corps, quelques théâtres (sept) ont sans le dire à personne décidé de s'aligner, eux, sur les dates du "in". Ce sont les gros malins de l'affaire, puisqu'ils sont aujourd'hui en vacances... et qu'ils ont récupéré tous les spectateurs de la première semaine... des spectateurs éberlués de se présenter à la caisse des autres théâtres pour s'entendre dire que le festival n'a pas commencé.
Bon, tout ça aurait pu se régler avec un minimum de communication de la part du "off". Après tout, ils demandent près de 200 Euros de cotisation à chaque spectacle pour être inscrits dans le programme, et je vous laisse faire le calcul, je pense qu'il reste un peu d'argent une fois les fameux programmes imprimés (dans lequel cette année trois spectacles qui avaient payé leur cotisation ont eu la bonne surprise de découvrir en arrivant à Avignon qu'ils n'y étaient pas, la faute à un bug... surnager au milieu de 1000 spectacles quand on n'est annoncés nulle part, j'aime mieux vous dire que c'est un défi). En catastrophe et après l'annonce générale de la fin du festival samedi dernier, le comité du "off" s'est offert... un pavé de pub dans le "Vaucluse". Ouais.
Chaque année, la fin du festival est un petit peu difficile. La dernière semaine n'est pas la plus fréquentée, certaines troupes sont sur les genoux, les commerçants de la place de l'Horloge deviennent agressifs (non, ça c'est pas vrai : ils sont agressifs dès le premier juillet). Cette année, c'est à une lente agonie que j'ai assisté avant mon départ, avec des compagnies pliant déjà bagages pour s'épargner cette semaine de galère, d'autres prêtes à le faire, des comédiens s'échangeant leurs tracts puisqu'il n'y a personne d'autre pour les prendre, des troupes paradant devant des touristes étrangers qui ne sont pas du tout là pour le festival. Et il reste encore quatre jours à tirer. Le gros de la fréquentation est maintenant constitué des comédiens des spectacles qui annulent et Avignon est pour une semaine peuplée d'intermittents aigris qui ont tous la même conversation (à savoir "qui est-ce qu'on lynche ?").
Pour la troupe de tite chérie, ça va encore : leur spectacle de 16 heures en est à sa deuxième année, ils remplissaient tous les jours jusqu'à cette dernière semaine... ils font donc partie des spectacles qui survivent. Leur spectacle de 21h30, plus frais, faisait des tiers de salle sur les premières semaines... là, ils rament un maximum, mais ils ont l'autre spectacle pour garder le moral, et encore des choses à inventer sur celui-ci, spectateurs ou pas.
Je n'exagère rien dans cet article, on est vraiment en face d'une situation qui dépasse l'absurde... et qui risque de se reproduire l'année prochaine. Le comité d'administration du "off", d'après ce que j'entends, envisage de retenter ce suicide collectif en 2009. J'espère que ça n'est qu'une légende urbaine. J'espère surtout qu'on va finir par aller au clash et par refondre le Festival d'Avignon dans son entier, et reprendre la direction du "off" à l'espèce de bande de mafieux qui le contrôle. Cette semaine pourrait servir à ce que les compagnies se rencontrent et établissent un plan de bataille pour faire pression l'année prochaine. Mais pour ça faudrait que les intermittents soient réputés pour leur esprit de corps. Ou alors il faudrait que ça intéresse les médias ou le ministère de la culture de mettre leur nez là-dedans. Mwahaha.
Bon, moi ça fait plusieurs années que j'ai décidé de ne plus faire Avignon (je pourrais changer d'avis pour un projet qui soit quelque chose de complètement différent de ce que je fais au Café de la Gare... mais en l'état, je préfère jouer à Paris où la moitié des théâtres ferme pour l'été), mais ça fait triste de voir tous ces gens (les copains et les pas copains) errer dans la ville avec leur pile de tracts à la main, à la recherche de spectateurs.
Ah, et tant que j'y suis et pour revenir à ce que je disais au début : ne croyez pas aux nouvelles qui parlent d'une affluence record cette année pour le "in". Ils ne vous disent pas la proportion d'invités rameutés parmi les troupes pour remplir la cour du Palais des Papes.
Voilà, ça c'est dit. Pour des nouvelles plus réjouissantes, je suis en train de mettre la dernière main sur l'affiche finale de
À Suivre...! (Robertson m'a transmis la version couleurs). A découvrir cette semaine ici-même...
(Image Copyright Bibi... tite chérie, c'est celle qui a les poings sur les hanches)